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Maurice MAETERLINCK
1 août 2008

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11 - LE PRIX NOBEL  (1911)


"La saison des prix commence quand finit la saison des chrysanthèmes" disait René Doumic le 1er décembre 1910. Les réflexions générales qui précédèrent la distribution du Prix Nobel 1911, autour de candidats possibles ou impossibles, furent très vives en France. On s’entêta à discuter d’un candidat qui avait déjà fait parler de lui, Henri Fabre, "l’Homère des insectes". Aux dires de Georgette, Maurice Maeterlinck se rebellait en lisant les belles pages de Fabre. "Quel dommage que ce ne soit pas écrit en beau français. Quelles merveilles on pourrait écrire là-dessus ! " Des articles émouvants sur la situation précaire du digne vieillard et sur le devoir de lui offrir le secours d’un Prix Nobel furent publiés. Le nom d’Henri Fabre avait été lancé déjà en 1909 et 1910 ; mais aucun acte de candidature en sa faveur n’avait été envoyé, l’année de Paul Heyse ni l’année qui allait être celle de Maeterlinck.

Le 30 janvier 1911, vingt-cinq candidats (Fabre y manquait), se trouvaient proposés à l’Académie suédoise et à son Comité Nobel : Jaroslav Vrchlicky de Prague ; Georgios Souris d’Athènes ; Salvador Rueda de Madrid ; Antonio Fogazzaro d’Italie. Pour la Société des Auteurs de Londres : Thomas Hardy, John Morley, Henry James, Georges Bernard Shaw. Pour la France : Anatole France, Pierre Loti (proposé par dix-neuf des quarante immortels de l’Académie Française), Ernest Lavisse.

La candidature de Maeterlinck, avancée par le Baron de Bildt, ministre de Suède à Rome et promoteur du Prix de Carducci, était rédigée en cinq lignes et apparaissait comme extrêmement paisible. Déjà en 1903, le nom de Maeterlinck avait été avancé par Anatole France, puis à l’occasion du Prix de 1904 par la Faculté de Philosophie et des Lettres de l’Université de Gand. Mais ce n’est qu’en 1908 que se déclencha une action plus catégorique. La Libre Académie de Belgique rédigea une magnifique adresse imprimée de quatre pages, chargée de noms plus ou moins célèbres. Cette pétition, datée du 20 août 1908 portait les signatures des deux secrétaires de l’organisation : J. des Cressonnières et L. Hennebicq. Cette manifestation massive donna du poids à la candidature de Maurice Maeterlinck les années suivantes.

En Suède, son nom était connu depuis longtemps. Lugné-Poe, au cours d’une tournée en Scandinavie en 1894, avait joué la "Princesse Maleine" à Stockholm. D’autres pièces avaient ensuite connu le succès dans la capitale suédoise. Maeterlinck s’était en outre acquis un grand admirateur en la personne d’August Strindberg, qui avait remarqué ses drames dès son séjour à Paris et s’était ensuite enthousiasmé pour le recueil "Le Trésor des Humbles". Dans les cercles littéraires jeunes, on suivait cette œuvre avec admiration. A l’Académie, les avis restèrent longtemps partagés mais les sympathies triomphèrent. Paul Spaak avait poussé au partage du prix avec Verhaeren. Il fit part de ce projet à Gérard Harry qui en parla à Maeterlinck, qui accepta. Le prix devant être proposé, cela entraînait des démarches que Harry se chargea d'exécuter dès mars 1909. Il obtint l'appui du ministre des Sciences et des Arts de Belgique, le Baron Descamps. L'administration suédoise ne voulut pas partager le Prix et retint une seule personne : Maurice Maeterlinck. La décision finale fut accueillie avec des acclamations par le grand public. Ce prix n’existait que depuis 10 ans. En 1901 Sully Prudhomme, et en 1904 Mistral l’avaient obtenu.

Maurice Maeterlinck apprit la nouvelle alors qu’il se trouvait en Italie. Aussi c’est avec une semaine de retard qu’il répondit à la missive de l’Académie. "C’est la plus haute gloire qui peut échoir à un écrivain. Je n’ai pas besoin de vous dire à quel point j’y suis sensible ni jusqu’où va ma reconnaissance. Les mots, ici, servent mal la pensée."
Le 21 novembre Maeterlinck est à Nice. Le 30 novembre, dans une lettre à son ami Iwan Gilkin, il écrit qu’il refuse d’assister à un banquet projeté en son honneur (pour le prix Nobel). Il a contre les banquets littéraires "une haine ancienne et irréductible" et juge cette coutume "grossière, barbare et répugnante."
Il avait d’abord exprimé l’intention d’assister à la cérémonie solennelle du 10 décembre1911, mais il fit savoir par télégramme qu’il était tombé malade. Son médecin jugeait imprudent d'entreprendre un tel voyage. La rumeur courut que l’auteur athlétique, d’une timidité farouche, était saisi de crainte, à mesure que le grand jour approchait, à la perspective d’être exposé aux regards d’un grand public, et que c'était la véritable raison de son absence. M. Wauters, ministre de Belgique à Stockholm, reçut le Prix à sa place.

Le 23 décembre, c'est la première allemande de "L’Oiseau Bleu" qui est joué au Deutsches Volkstheater de Vienne.
Le 30 décembre 1911, Maeterlinck écrit à Harry : "Je ne veux ni médaille, ni sérénade, ni dîner ou déjeuner chez le Roi, ni réception à la Grande Harmonie par les gardes civiques du royaume, ni chocolat chez Beulemans. Rien, en un mot, que la représentation à la Monnaie." (Le 8 mai 1912 il devait être honoré par la Belgique)

***

Le 10 janvier 1912 a lieu la première de "Pelléas et Mélisande" à New-York avec Georgette seule.

Le 8 mai 1912, Maeterlinck qui alla jusqu’à accuser le roi Léopold II de défavoriser l’essor des lettres belges, est promu Grand Officier de l’Ordre de Léopold. Il y eut en Belgique cette manifestation d’hommage, (là même où il vit "Père" de Strindberg, dix-sept ans plus tôt, avant de rencontrer Georgette la première fois) au Théâtre du Parc à Bruxelles, devant le roi Albert et la reine Elisabeth. Georgette interpréta un extrait de Mélisande tandis que Gabriel Fauré dirigeait l'orchestre. Maeterlinck était présent. Quelques jours auparavant il avait eu un refroidissement et avait espéré tenir là un motif pour se dérober.
Reçu au palais de Laeken par le roi Albert 1er, la conversation fut cordiale. La petite princesse Marie-José qui devait devenir reine d'Italie dansa sur les genoux du poète. Quand l'audience arriva à son terme, la Reine dit aux princes Léopold et Charles : "Veuillez accompagner le Maître. Plus tard, vous serez fiers de l'avoir connu."

Le 5 avril 1912 dans le Figaro, Gérard Harry fait le récit de la soirée du 12 mars, offerte en l’honneur de Maurice pour son Prix Nobel, à l’Artistique 2, place Grimaldi à Nice. Parmi les participants, il a noté Henri Cain, Emile Bergerat, Mme Stern (Maria Star), Mlle Vacaresco la poétesse, Denys Puech, Maurice Leblanc, Maurevert, M. Gassin président du cercle, P. Dalmas, le Docteur Grinda, Jean Nougès, les interprètes de "Pelléas et Mélisande". Le prix du dîner est fixé à 12 francs et la tenue de soirée de rigueur.

Harry en profite pour parler de l’engouement pour la boxe de Maeterlinck alors à la villa "Les Abeilles" : "Il a assisté au match retentissant de Carpentier, il a lu consciencieusement tout ce qui a été écrit en ces derniers temps sur la matière ; il a consulté les maîtres de l’art, est devenu leur élève ; il a compris, admiré, s’est converti. Et il l’avoue, avec cette sincérité, cette chevaleresque bonne foi qui est sienne, dans les petites choses comme dans les grandes et qui a permis à sa philosophie d’évoluer aussi courageusement que ses idées sur les mérites respectifs des sports. Et le voici, au milieu de la flore épanouie de son jardin d’hiver, assénant des "directs", imprimant, à coups rapides et sonores, des "swings" à une tête de Turc postiche, avec une fougue et une joie d’enfant émerveillé d’une découverte imprévue." Il parle également de Georgette Leblanc, de son récent voyage aux Etats Unis, de sa rencontre avec "Helen Keller, la fameuse sourde-muette et aveugle de Boston qui est parvenue à mieux voir, mieux entendre, mieux parler par ses lèvres que la plupart des femmes les plus complètes et cultivées du vieux et du nouveau monde."

 

boxe_4

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Le 20 mai 1912, Maurice Maeterlinck remercie par lettre l’Artistique de Nice qui fait de lui un membre honoraire du cercle.

A partir du 12 juin les Maeterlinck partent pour Neuilly puis pour la Normandie. L’été, depuis Saint-Wandrille, Maurice et Georgette rendent visite à la famille Prat-Leblanc au château de Tancarville. Ils y côtoient Pierre Lecomte du Nouÿ et Marcel Lattès. Ne serait-ce que pour les emmener au Havre "où un cirque fameux montre des ours savants, dont Georgette raffole..." aux dires de Jaque Catelain, qui présente Marcel l’Herbier au frère de Georgette. Georgette et Marcel L’Herbier, dont les rencontres "reliées par une incessante correspondance, éclataient de drôleries et de profondeur" ; Marcel lui présente à l’automne Loïe Fuller. De Georgette, Marcel dit : "Elle m’était une amie ardemment attachée [...] Je la découvris en 1912, au soir d’un beau jour d’été, dans la cour d’honneur du château de Tancarville (où habitait sa sœur qui hébergeait mes vacances), descendant, casquée comme une Walkyrie, d’une grosse Panhard qu’elle avait fait carrosser en coche normand de l’époque de Maupassant." Un flirt s’était ébauché ; on comprend mieux pourquoi Georgette tournera en 1924 dans "L’Inhumaine" de Marcel l’Herbier.

La jeune Renée est encore avec Maurice et Georgette à Saint-Wandrille, bien installée au milieu de ce couple, n’étant pas gênée par sa position équivoque et n’ayant nulle envie de quitter la place.

Les Maeterlinck reviennent vers les douceurs climatiques de la ville de Nice dès le mois de novembre.

St_Wandrille_G

affiche_Inhumaine

 

Nice

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En 1913, c’est l'édition en français de "La Mort". La première parution en anglais en octobre 1911 était incomplète. La publication en Allemagne, aux Pays-Bas, en Angleterre et en Suède se fera la même année. Cet ouvrage comprend des articles tels que : Notre injustice envers la mort, Les communications avec les morts, Notre sort dans ces infinis, L’anéantissement, La survivance de la conscience, L’hypothèse néo-spirite ; Les apparitions, La correspondance croisée... Il nous laisse en plein mystère, ouvrant les portes de l'au-delà à toutes les possibilités, à toutes les espérances.

La_mort

C’est à l’occasion de la sortie de ce livre que la cour de Rome (Congrégation de l'Index) aurait prononcé contre M. Maeterlinck l’excommunication majeure et la mise à l’index de tous ses livres, en date du 29 janvier 1914. En fait la formule "opera omnia" ne vise que les livres contraires "à la religion et à la morale". Maeterlinck interrogé répond avec indifférence : "Quelle importance ? Rome est tout de même loin." En 1933 le tirage de ce livre atteint 70.000 exemplaires.

En avril, les socialistes belges déclenchaient pour le Suffrage Universel un mouvement accompagné d'une grève générale. Le 9 avril, Maeterlinck écrivait à Joseph Wauters, directeur du "Peuple" : "Sur le Suffrage Universel, j'ai dit à peu près tout ce que j'avais à dire dans le "Double Jardin" et dans "Notre Avenir Social". Si l'une ou l'autre de ces pages vous paraissent utiles, vous en feriez l'usage qu'il vous plairait. Du reste, en ces circonstances, la littérature passe au second rang, et, lorsque la plus légitime des grèves sera déchaînée, je compte bien l'aider plus efficacement que par la plume."

Maurice Maeterlinck, le 9 avril 1913, envoie un chèque de mille francs pour soutenir les mineurs en grève avec ce mot : "Un premier et modeste versement à la caisse de résistance de la bonne grève…."

L’été ramène à Saint-Wandrille Maurice, Georgette, en compagnie de Renée Dahon qui personnifie une scission toujours plus importante dans le couple. Professionnellement, Georgette se console par ses succès à Nice le 18 mars 1913, dans la création au Casino de "Marie-Magdeleine". Maeterlinck assiste aux répétitions, pour le 17 mars il convie Maurevert pour la répétion de toute la pièce d'affilée en costumes. Puis c'est le succès à Bruxelles et au Châtelet le 25 mai 1913 dans la reprise de "Marie-Magdeleine" de Maeterlinck, où nous trouvons parmi les acteurs Roger Karl dans le rôle de Lucius Verus.

Les relations intimes entre Maurice et Georgette s’espacent. Elle dit alors : "Je portais sa propre pensée en mon esprit et ne doutais point qu’il portât la mienne toujours au centre de la sienne." Elle trouve quelque réconfort dans sa liaison avec Roger Karl.
Maeterlinck reparla de cette liaison dans une lettre adressée à H. Russell le 9 septembre 1918, alors que lui, à 51 ans, va dans les bras d’une jeunette de 20.

En octobre Maurice fait un court déplacement en Angleterre, puis revient passer l’hiver à Nice.

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M. Maeterlinck en conférence à Nice après le prix Nobel

La pièce "L’Oiseau Bleu" est enfin jouée à Berlin au Deusches Theater au mois de décembre 1913.

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